A l’issue d’une mission d’intérim, quelle que soit sa durée, les entreprises utilisatrices doivent appliquer un délai de carence avant de reprendre un intérimaire sur le même poste.
Mais qu’est-ce que le délai de carence ? Quand s’applique-t-il ? Comment le calculer et que risque-t-on en cas de non-respect de ce délai ?
Découvrez tout ce qu’il y a à savoir sur le délai de carence en parcourant notre article !
Le délai de carence, qu’est-ce que c’est ?
Le délai de carence, aussi connu sous le nom de tiers-temps, est défini par les articles L. 1244-3 du Code du travail et L. 1251-36. Il s’agit d’une période minimale durant laquelle l’entreprise ne pourra pourvoir au poste occupé jusqu’à présent par un intérimaire par le biais d’un nouveau contrat temporaire.
À noter que le délai de carence s’applique entre contrats de même nature, mais aussi entre contrats de nature différente (CDD ou intérim). En effet, l’article L1251-36 stipule : « À l’expiration d’un contrat de mission, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat incluant, le cas échéant, son ou ses renouvellements… »
Il s’agit là de la théorie, mais en pratique, l’application du délai de carence diffère souvent.
Dans quel cas le délai de carence ne s’applique-t-il pas ?
Selon l’article L. 1244-4 du Code du travail et dans le respect de l’article L. 1242-1 de ce même Code, une convention collective ou un accord de branche étendu peuvent prévoir les cas dans lesquels le délai de carence ne sera pas applicable.
Dans le cas contraire, les articles L. 1244-4-1 et L. 1251-37 du Code du travail prévoient les cas où il n’est pas appliqué.
Cela concerne :
Un contrat de mission conclu pour le motif du remplacement d’un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail a été suspendu et qui se voit renouvelé suite à la prolongation ou à une nouvelle absence de ce salarié.
- Un contrat de mission dont la conclusion est due au motif de l’exécution de travaux urgents et qui sont nécessités par des mesures de sécurité.
- Un contrat de mission afin de pourvoir un emploi à caractère saisonnier ou pour lequel, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée. Et ce, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère temporaire, par nature, de cet emploi.
- Un contrat de mission conclu afin d’assurer le remplacement de l’une des personnes mentionnées aux 4° et 5° de l’article L. 1251-6 du Code du travail. À savoir : les chefs d’entreprises artisanales, industrielles ou commerciales, les professions libérales, les chefs d’exploitations agricoles, les aidants familiaux, ….
- Un contrat de mission conclu suite à la rupture anticipée, à l’initiative du salarié, de la précédente mission ou du précédent CDD.
- Un contrat de mission dont l’origine est due au refus, par le salarié, du renouvellement de son contrat temporaire. À noter que la durée de la nouvelle mission ne pourra excéder la période de renouvellement du précédent contrat.
Comment calculer le délai de carence ?
Intéressons nous à présent à la façon de le calculer, à sa durée, mais aussi aux nouvelles exceptions qui la régissent.
Le cadre légal général
Les modalités de calcul du délai de carence sont établies par les articles L. 1244-3-1 et l’article L. 1251-36 du Code du travail qui en fixent également les modalités de temps.
Ainsi, la durée du délai de carence dépend de la durée de la mission temporaire et se répartit comme suit :
- Pour les contrats de mission d’une durée de quatorze jours ou plus, renouvellements compris, le délai de carence sera égal au tiers de la durée totale du contrat expiré.
- Pour les contrats de mission d’une durée inférieure à quatorze jours, renouvellements compris, le délai de carence sera égal à la moitié de la durée du contrat expiré.
Si la durée du contrat de mission est comptabilisée en jours calendaires, c’est-à-dire du lundi au dimanche, la durée du délai de carence est, elle, comptabilisée selon les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement concerné. Ainsi, si une entreprise est ouverte du lundi au vendredi, les jours du délai de carence seront décomptés du lundi au vendredi et non du lundi au dimanche.
Exemple de calcul et de durée du délai de carence :
- Pour un contrat de mission allant du 21 juin au 30 juin 2021, renouvellement compris.
- Durée du contrat : 10 jours.
- Délai de carence : 10/2 = 5 jours.
- Pour une entreprise ouverte 5 jours par semaine, la carence serait effective du 1er juillet 2021 au 7 juillet 2021 avec reprise d’un contrat le jeudi 8 juillet 2021.
- Pour une entreprise ouverte 6 jours par semaine, la carence serait effective du 1er juillet 2021 au 6 juillet 2021 avec reprise d’un contrat le mercredi 7 juillet 2021.
- Pour une entreprise ouverte 7 jours par semaine, la carence serait effective du 1er juillet 2021 au 5 juillet 2021 avec reprise d’un contrat le mardi 6 juillet.
- Pour un contrat de mission allant du 1er juin au 31 août 2021, renouvellement compris.
- Durée du contrat : 92 jours.
- Délai de carence : 92/3 = 30.66 soit 31 jours.
- Pour une entreprise ouverte 5 jours par semaine, la carence serait effective du 1er septembre au 13 octobre 2021 avec reprise d’un contrat le jeudi 14 octobre 2021.
- Pour une entreprise ouverte 6 jours par semaine, la carence serait effective du 1er septembre au 6 octobre 2021 avec reprise d’un contrat le jeudi 7 octobre 2021.
- Pour une entreprise ouverte 7 jours par semaine, la carence serait effective du 1er septembre au 1er octobre 2021 avec une reprise d’un contrat le samedi 2 octobre 2021.
Les exceptions au cadre légal
Dans certains cas spécifiques, actuellement au nombre de trois, il est possible d’instaurer un mode de calcul différent en ce qui concerne le délai de carence, et même de le supprimer entièrement. Pour ce faire, l’entreprise utilisatrice doit se trouver dans l’une des situations suivantes :
- Avoir recours au CDI intérimaire. Il s’agit d’un intérimaire ayant signé un contrat en CDI avec l’agence d’intérim qui l’emploie. En contrepartie de cette stabilité de l’emploi accordée, le délai de carence ne sera pas applicable en cas de succession de contrats avec cet intérimaire.
- Appliquer l’ordonnance « Macron » du 22 septembre 2017 qui permet, par le biais d’une convention ou d’un accord de branche étendu de modifier les délais de carence applicables en cas de succession de contrats temporaires.
- Avoir signé un accord collectif, comme le prévoit la loi du 17 juin 2020, qui permet à toute entreprise utilisatrice de déroger aux calculs du délai de carence, ainsi qu’aux cas où ce dernier n’est pas applicable. Attention cet accord n’est valable que pour les contrats d’intérim dont l’échéance finale se situe au plus tard le 30 juin 2021.
Comment appliquer le délai de carence ?
Le Code du travail précise bien que le recours à un contrat de mission ne doit pas avoir pour objectif de pourvoir durablement à un poste pérenne de l’entreprise. Ainsi, le délai de carence s’applique au poste, et non à l’intérimaire, comme le pensent souvent à tort les entreprises utilisatrices.
Une pratique courante consiste par exemple à réaliser 18 mois de mission avec un intérimaire pour motif d’accroissement temporaire, puis à pourvoir ce même poste durant 6 mois (délai de carence du précédent contrat) avec un autre intérimaire pour le même motif. Cette pratique ne respecte pas le délai de carence car il s’agit d’un même poste (lieu de travail, tâches et motif de recours identiques).
Afin d’éviter tous risques de condamnation pour non-respect du délai de carence, il est donc conseillé de ne pas reprendre un intérimaire sur un poste précédemment occupé par un autre intérimaire. La notion de poste englobant à la fois le motif de recours (accroissement, remplacement…), sa justification, le lieu de travail et les tâches réalisées.